L'Europe doit relever un défi impossible

Publié le par Daniel

Olli Rehn 

 

Olli Rehn 

 

« Il n'y a pas d'alternative »

     

Ce fut à nouveau le message ce week-end  de Olli Rehn, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires dans le journal allemand « Der Spiegel ».

La périphérie de la zone euro n'a pas d'autre choix que de s'en tenir à la voie assignée de l’austérité budgétaire.

Avec l’Italie en révolte politique ouverte et la plupart des autres pays du « club Med » en proie à une dépression  inéluctable, il n’y a, dit-il, aucune marge de manœuvre.

 

Normalement, lorsque quelque chose ne fonctionne pas, vous essayez une approche différente, mais l'infortuné chef européen de l'économie se retrouve bloqué dans la mission de défendre l'indéfendable - la monnaie unique – et il n'est pas en mesure d'offrir des alternatives.

Le respect rigide de M. Rehn à l’orthodoxie de l’UE est devenu une forme presque comique d’œillères par rapport au  dogme de l’euro, en faisant plus un sujet de moquerie et de ridicule que de crainte.

Comme je l'ai déjà dit, il peut à peine croire à ce qu'il prêche, mais il est un porte-parole des plus fidèles à la cause de l'austérité budgétaire.

Tout récemment, il a décrit le débat sur l'approche européenne en matière de politique économique comme «inutile», comme pour dire que la discussion de solutions de rechange n’est plus autorisée.

Il tient également à répéter que le pire de la crise est derrière nous, malgré qu’il ait déjà eu tort à plusieurs reprises.

     

M. Rehn ne devrait plus être pris au sérieux, mais il peut au moins être félicité pour son talent d’amuseur.

Il aurait été viré depuis longtemps s'il était démocratiquement responsable devant les nations, mais bien sûr, sa position lui permet de nager sereinement au-dessus de tous ces désagréments.

De toute façon,  le problème n'est pas l'austérité en tant que telle, mais la tentative de fondre des pays fiscalement différents, et de compétitivités très divergentes, dans une zone monétaire unique.

L'austérité est tout simplement la réponse à une entreprise impossible.

     

Que le médicament prescrit commence à menacer les institutions démocratiques, ne semble pas devoir être pris en compte, du moment que le rêve de l’euro reste vivant.

Dans une nouvelle analyse de l'ampleur du défi, l'Institut consultatif de l’Economie Européenne (EEAG) souligne que la crise en zone euro est en fait trois crises différentes réunies en une seule ;

La dette souveraine et les crises bancaires sont, en effet, les symptômes du problème sous-jacent de divergence de compétitivité des différents pays.

Ceci a donné lieu à une bonne vieille crise de la balance des paiements.

Normalement, les déséquilibres commerciaux et financiers sont corrigés par un ajustement du taux de change, mais bien sûr, cela ne peut arriver dans une zone à monnaie unique.

  

Ces déséquilibres ont d'abord été financés par des prêts bancaires des pays du noyau dur. Ils ont accordé des prêts aux pays déficitaires pour qu’ils achètent leurs produits.

Lorsque la crise bancaire a asséché ces financements, les pays les plus faibles  se sont reportés sur le soutien des fonds de sauvetage européen et de la Banque centrale européenne.

 

L’analyse de l’EEAG fournit trois solutions possibles à cette situation difficile, et il n’y en a réellement que trois si on ne va pas jusqu'au bout de l'union fiscale et politique.

  • La première est la sortie de l’euro et la dévaluation des pays déficitaires.
  • La deuxième est une dévaluation interne grâce à la baisse des prix et des salaires dans les pays déficitaires.
  • Et la troisième est une réévaluation interne par la hausse des prix dans les pays du cœur (Allemagne et pays du nord).

C’est la seconde de ces options que les décideurs européens ont choisie.

La sortie de l’euro pour une ou plusieurs des nations les plus faibles, a été écartée par crainte de la contagion qu’elle pourrait entrainer.

Une forte hausse des prix dans les pays du cœur a aussi été rejetée en raison des dommages qu'elle aurait sur les épargnants.

  

En effet, leur richesse serait dévaluée, une mission impossible à vendre à ses électeurs pour Angela Merkel.

L'analyse de Goldman Sachs suggère que l'Allemagne devrait subir un taux d'inflation de 4% plus élevé que les pays du « club Med », pendant  une période de 10 à 15 ans pour atteindre une telle réévaluation et éliminer les déséquilibres.

Cela impliquerait une baisse de 40% de la richesse allemande, toutes choses étant égales par ailleurs.

Aucune nation, aussi altruiste soit-elle, ne peut accepter un tel choc.

Cela implique pour les pays de la périphérie d’avoir à assumer seuls tout le fardeau de l'ajustement.

Goldman Sachs estime qu’une dévaluation  interne de 35% serait nécessaire au Portugal pour restaurer sa  compétitivité, de 30% en Grèce et de 20% en Espagne.  L'Italie exigerait un ajustement de 10 à 15%.

L'exemple des Etats baltes, contraints d'adopter des dévaluations internes encore plus importantes pour soutenir leurs parités avec l’euro, montre que cela peut être fait.

     

Mais ce sont de minuscules anciens satellites soviétiques qui étaient dans une croissance gigantesque avant la crise, et qui ont été en mesure d'exporter une bonne part de leur problème de chômage.

Les grandes économies avancées sont une autre paire de manches.

L'Italie n’avait pas de boom avant la crise, mais il lui est demandé de tolérer des niveaux de déflation qui la ramène plus d'une décennie avant les années 1990, avant même que l’euro n’existe.

Les prix et les salaires ont montré dans la pratique qu’ils étaient assez résistants.

Ils ne sont pas faciles à faire baisser, avec le résultat que l'essentiel de l'ajustement provient de la hausse du chômage.

Les décideurs de l’eurozone exhibent la diminution des déficits des comptes courants et la baisse des coûts salariaux unitaires comme la preuve que leur politique fonctionne.

Ils ont tort. Les causes sous-jacentes de ce rééquilibrage sont l’effondrement de la demande intérieure, d'une part, et la hausse du chômage d'autre part.

Si c’est ce qui s’appelle un succès, alors la zone euro est vraiment sur le chemin de la folie.

 

Il y a un autre problème avec le retour de l'économie à une apparente compétitivité.

Malheureusement, il rend encore pire la situation financière.

Le Nominal de la dette reste le même, alors que l'économie se contracte, ainsi le pourcentage en proportion du PIB augmente encore plus.

     

La politique proposé n’offre donc aucun retour à un équilibre budgétaire.

Plus la zone euro a du mal à s'adapter, pire c'est. On avait coutume de dire qu’une des raisons pour lesquelles l'Europe aurait du mal à maintenir l'union monétaire était que, contrairement aux États-Unis, elle n'avait pas la même mobilité de la main d’œuvre, pour agir comme une soupape de sécurité.

L’analyse de Marcel Alexandrovitch, de la banque d'investissement Jefferies, montre que cela a changé radicalement depuis le début de la crise, avec des niveaux très forts de migration des travailleurs des pays déficitaires vers les pays excédentaires.

Malheureusement, cela rend le défi de l’austérité budgétaire encore plus grand dans les pays les plus faibles, car cette migration a fait fuir les talents qui payaient le plus d’impôts.

Une diminution de la population abaisse le taux tendanciel de croissance, il augmente également la proportion du déficit qui doit être considérée comme structurelle.

Un certain degré d'endettement et de fédéralisme fiscal pourrait éliminer ces distorsions, mais pour l'instant, ce n'est pas à l'ordre du jour, et il n'y a aucun appétit pour cela, même dans les pays déficitaires, sans parler de ceux qui finiront par payer la facture.

 

M. Rehn est-il un sot ou un fripon? De toute façon, l'histoire ne le jugera pas avec bienveillance.

 

JEREMY WARNER – The Telegraph (UK) – 4 Mars 2013

 

http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/jeremy-warner/9908507/Europe-faces-an-impossible-challenge-why-cant-Olli-Rehn-see-it.html

 

Traduction : Daniel BENBASSAT

Publié dans Revue de presse

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